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10 Apr

Un discours politique (passe-partout) ou la langue de bois {}{}{}

Publié par La pintade rose  - Catégories :  #Les Odileries

Autrefois apanage des hommes et des femmes politiques, la langue de bois est désormais partout. Elle a ainsi fait tache d'huile jusque dans le monde de l'entreprise, où l'on parle de "croissance négative" pour ne pas annoncer une récession, ou encore dans le sport professionnel où les footeux par exemple assurent que "l'essentiel c'est les trois points" pour éviter de parler d'un mauvais match… Mais, au fait, d'où vient cette expression si familière et pourquoi parle-t-on de "langue de bois"?

 

Devenue si répandue qu'il est désormais d'usage de revendiquer un "parler vrai" pour se défendre, par anticipation, de faire de la langue de bois, l'expression est pourtant relativement récente en France. Selon les nombreuses recherches et l'abondante littérature disponibles sur le sujet, elle est ainsi apparue en français dans les années 1950 mais ne serait devenue d'usage réellement courant qu'une vingtaine d'années plus tard, à partir des années 1970.

 

Dès la décennie suivante, l'expression est si usitée que les journalistes politiques commencent à s'interroger sur l'origine de cette langue de bois qu'ils évoquent à longueur d'article et qu'ils ne définissent même plus. A l'image de Jean-Paul Kauffmann, dans les colonnes de L'Evénement du jeudi du mardi 30 octobre 1984.

Faite de jargon technique mêlé de discours officiel, la langue de bois sert surtout à noyer le poisson. Elle trouve ainsi son origine dans la grande Russie tsariste, en actuelle Pologne, au XIXe siècle, où elle servait déjà à dénigrer la parole d'Etat. Alors "langue de chêne", un arbre symbole de dureté, l'expression dénigre la lourdeur très codifiée et rigide de la logorrhée bureaucratique. Les penseurs du communisme l'évoquent à partir des années 1860 pour définir "un langage convenu" et une forme de "censure".

Plus tard, en URSS, la langue de chêne devenue langue de bois sert à dénoncer le "parler-marxiste" officiel et la phraséologie typique du régime, avant de s'étendre à l'international. En France, elle reste ainsi longtemps un qualificatif réservé aux discours des communistes en général et du PCF et de la CGT en particulier. En 1982, le Larousse définit la langue de bois comme une "phraséologie stéréotypée utilisée par certains partis communistes et les médias de divers Etats où ils sont au pouvoir".

C'est au cours de cette même décennie que l'expression s'étend finalement à l'ensemble de la société. Hommes ou femmes politiques de tous bords, chefs d'entreprise, leaders religieux ou encore sportifs peuvent désormais s'adonner aux joies de la langue de bois, où à xyloglotter, comme disent les savants. En somme, à tâcher de ne rien dire, mais avec aplomb.

 

Un discours politique (passe-partout) ou la langue de bois {}{}{}
Le parler cash
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La langue de bois des journalistes s’adapte à celle des politiques, qui elle-même s’adapte au rythme de la presse autant qu’au ton général des médias audiovisuels et de leur langue cool. Voilà donc le mécanisme du serpent qui se mord la queue bien en place : l’imitateur est singé par l’imité (Xavier Bertrand en est la caricature) !

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L’une des tendances les plus spectaculaires de ces dernières années est l’avènement de ce que l’on peut appeler le « parler cash ». Le parler cash est une façon de faire mine de rejeter la langue de bois, c’est-à-dire la phraséologie politique destinée à tourner autour du pot. Avec le parler cash, il faut que l’auditoire se dise « celui-là, il est franc, il ne nous baratine pas ». Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont les papes de cette méthode. La campagne présidentielle de 2007 fut l’âge d’or du parler cash. Ségolène Royal, qui se voulait briseuse des tabous de la gauche, et Nicolas Sarkozy, qui voulait que les politiques retrouvent le contact avec le peuple, se sont mis, chacun dans leur style, à parler directement au peuple en utilisant un langage censé reprendre le vocabulaire de tous les jours et de tout le monde. Un langage qui s’est construit à force de recherches destinées à fournir un discours avec « de vrais morceaux de phrases de vrais Français dedans » comme le dit la publicité pour les yaourts aux « vrais morceaux de fruits dedans » !

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Ce parler cash appauvrit le langage politique en bannissant la nuance au profit des couleurs vives et criardes. On simplifie plutôt que de vulgariser. Quand Ségolène Royal invente et arrive à imposer l’expression « vie chère » qui véhicule un message évident, c’est aussi une forme d’appauvrissement du discours économique. Quand Nicolas Sarkozy oublie les négations avec ses « chui pas » au lieu de « je ne suis pas », ou quand il relâche son langage, au milieu d’ouvriers, jusqu’à dire, en février 2009 dans une entreprise de sous-traitance automobile, « si y en a que ça les démange d’augmenter les impôts, pas moi », on est au sommet de l’art – si l’on peut dire – du parler cash. François Mitterrand, qui en matière de gouvernance ne mérite pas particulièrement d’être épargné, avait cependant une qualité. Pour s’adresser au plus grand nombre, il disait s’inspirer d’Erkmann et Chatrian, ces deux auteurs de contes populaires du xixe siècle : réduction drastique du vocabulaire, pas plus de deux centaines de mots mais – pour valoriser l’auditoire – utilisation sans limite d’une syntaxe sophistiquée et même de l’imparfait du subjonctif.

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Avec le parler cash, on est loin de cette époque. Généralement, un propos cash commence avec une moue de franchise et une petite phrase introductive dugenre « Vous voulez vraiment savoir ce que j’en pense ? Eh bien je vais vous le dire… » (sous-entendu, « moi je ne pratique pas la langue de bois »). Suivent des indignations « inadmissible », « intolérable », et des désignations « racaille », « patrons voyous », « privilégiés », « gens du voyage »… Exemple de parler cash, toujours en 2009 : Laurent Wauquiez, alors secrétaire d’État chargé de l’Emploi, réagissait aux profits et aux suppressions de postes chez Total. En deux phrases, bien senties, limite autoritaires, il a menacé Total. « Moi, je vais vous dire… ça, ça me reste en travers de la gorge » dit-il en joignant le geste à la parole. En fait, l’État ne fera rien. D’ailleurs, François Fillon a contredit son ministre le lendemain. Laurent Wauquiez aura, au moins, peaufiné son image de gars bien, qui parle avec ses tripes.

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En réalité, on s’aperçoit que le parler cash est (était… comme on le verra plus loin) le stade ultime de la langue de bois moderne puisqu’il ne dit rien. C’est souvent une réaction émotive produite à chaud, devant une usine en difficulté, ou au lendemain d’un fait-divers choquant, de préférence devant des ouvriers inquiets ou des parents de victimes encore secoués. Une parole cash devient un acte politique en lui-même mais un acte creux, et nous (les journalistes) en sommes coresponsables puisque notre industrie vit à jets continus avec Internet et les chaînes tout-info. Elle réclame de l’info politique à outrance, à un rythme bien trop soutenu, bien plus rapide en tout cas que le vrai rythme de l’action politique, de la fabrication du droit, de la mise en œuvre des décisions qui nécessite son cortège de débats, d’expertise, ses contraintes budgétaires et ses allers et retours parlementaires.

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D’ailleurs, quand il se passe quelque chose, nous demandons d’abord aux politiques « quelle est votre réaction ? ». Mais devant un événement ou une situation nouvelle, une réaction n’est que l’expression d’un sentiment et il n’informe finalement que très peu sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce qu’il faut faire. En demandant systématiquement aux politiques « quelle est votre réaction ? » plutôt que « quelle est votre action ? », nous les incitons au parler cash, nous nourrissons et suscitons cette nouvelle forme de langue de bois qui nous arrange bien, tout simplement parce qu’elle ressemble à notre langue. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le parler cash est maintenant devenue une langue inefficace et contre-productive, une langue anachronique. Nicolas Sarkozy ne s’en est visiblement pas encore aperçu et il le paie dans les enquêtes d’opinion depuis le printemps 2010. Le parler cash ne résiste pas à la « tyrannie de la cohérence » que subit de plein fouet le président.

c'est un discours plurielle

c'est un discours plurielle

La langue de bois de nos politiques .

A lire dans tous les sens , dans tous les notions du terme.

Nos politiques ne font ils pas tous cela . " Paroles, paroles et paroles....

C'est ce que l'on apprenait à l'école d'administration, pensons que cela est toujours vrai encore aujourd'hui ....." un bon discours dispense de l'obligation d'action " 

la pintade rose

LE SCAN POLITIQUE - À la faveur de l'été, Le Scan politique vous propose de décrypter une expression récurrente dans le discours des politiques. Aujourd'hui, «la langue de bois».

Tous les partis tombent dans l'écueil, bien que chaque responsable politique s'en défende. C'est le code nécessaire d'une communication dans la concorde, un puissant repoussoir pour un électorat abstentionniste et désabusé: la langue de bois. Sa pratique, érigée en art dès les bancs de certaines grandes écoles, uniformise l'expression publique sous le vernis d'une certaine convenance. De nombreux responsables politiques promettent de s'en défaire pour toujours en espérant attiser ainsi l'ardeur des révoltés de tous bords, avant d'y revenir par nécessité du consensus. C'est le romancier Stendhal, dans son roman Le Rouge et le Noir qui en délivre le plus clairement la formule: «La parole a été donnée à l'homme pour cacher sa pensée».

En langage politique on prête volontiers à la langue de bois des tares et des vertus qui la rendent nécessaire: elle permet de transformer, de réécrire ou cacher la vérité, de répondre à côté d'une question gênante ou de noyer une absence de pensée et de maîtrise d'un sujet sous un déluge de paroles creuses. Il s'agit souvent de faire appel aux sentiments pour dissimuler la carence de faits ou de connaissances concrètes. Bref, savoir s'exprimer sur tout sans être expert en rien. La langue de bois possède également des vertus diplomatiques et offre un moyen de s'attirer les bonnes grâces d'un adversaire en vue de l'employer selon des intérêts qui ne sont pas les siens. Elle permet de neutraliser ou d'adoucir les choses qualifiées, de faire acte de prudence et de ruse.

La paternité connue de l'emploi de cette expression en politique revient aux Russes du début du XXème siècle, un peuple confronté depuis fort longtemps aux affres d'un «État Léviathan». À l'origine «la langue de chêne» exprimait une moquerie à l'encontre du langage administratif et procédurier adopté au sein de l'administration impériale. La révolution soviétique va ériger cet art du langage bureaucratique en marque de fabrique, et répandre la langue de chêne jusqu'aux confins du rideau de fer. D'un pays à l'autre, les détracteurs de cette «nov'langue»(La langue de bois selon Georges Orwell, ndlr) politiquement correcte parlent non plus de «chêne» mais de «bois». Dans d'autres pays où la notion existe, le matériau varie: on parle de «langue de béton» en Allemagne ou de «langue de plomb» en Chine par exemple.

Un prix de la langue de bois

En France le terme est popularisé à partir des années 70 et 80, notamment lorsque Paris se prend de passion pour le combat de Solidarnosc contre la domination de Moscou. Elle répond également aux doux noms de xyloglossie ou xylolalie, et trouve un pendant dans l'expression «noyer le poisson». La langue de bois fait l'objet d'un rejet mais aussi d'une certaine passion: on trouve plusieurs ouvragesqui lui sont consacrés et même de nombreux générateurs artificiels de formules toutes faites. Comparés aux discours véritablement entendus, les exemples générés sont parfois saisissants: «Dès lors, sachez que je me battrai pour faire admettre que l'acuité des problèmes de la vie quotidienne doit s'intégrer à la finalisation globale d'une restructuration dans laquelle chacun pourra enfin retrouver sa dignité». L'essentiel pour l'homme politique reste de faire mine de s'en démarquer. Une démarche théorisée par Jean Luc Mélenchon en 2013: «Je parle dru et cru pour créer du conflit et de la conscience».

Élément déterminant de la parole politique, la langue de bois fait logiquement l'objet de nombreuses attentions de la classe dirigeante. À droite, Jean-François Copé, député les Républicains et ancien président de l'UMP, a même juré dans le titre d'un livre ; Promis j'arrête la langue de bois. Une promesse qui ne lui a pas épargné quelques difficultés par la suite. À gauche, la langue de bois fait même l'objet d'un prix, le «PS d'or» qui récompense les plus talentueux xyloglottes de la rue de Solférino. Organisé par un parterre de journalistes depuis 2009 en marge de l'université d'été du PS à la Rochelle, l'ancien premier secrétaire du PS Harlem Désir a remporté cinq fois le prix haut la main. Mais cette hégémonie est désormais contestée: en 2014 c'est la ministre Najat Vallaud-Belkacem qui a raflé la récompense.

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