Je suis solidaire des sœurs de Charlie !
Moi, la pintade rose, je suis en totale adéquation avec ce manifeste, j'aurais pu y ajouter mon nom
sur la liste des 343.......
La pintade rose
Les soeurs de Charlie.
« Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront et le déshonneur et la guerre. « Churchill.
Le carnage du 7 janvier met sous le nez de tout le monde une évidence : à trop transiger avec les valeurs de l’autre, on perd de vue les siennes. L’exigence d’union nationale, clamée le 11 janvier par des millions de français, implique de donner sa place à l’autre tout en faisant respecter la sienne.
Nous sommes, les féministes dites historiques, les sœurs de Charlie. Ce sont eux qui, en 1971, lors du Manifeste des 343, nous avaient surnommées « Les 343 salopes ». Toujours prêts à soutenir celles qui s’opposaient à la dictature de l’Eglise. A l’époque c’était la catholique, quipesait lourd dans l’interdiction de l’avortement. Les gars de Charlie,étaient nos frères d’armes, malgré nos divergences. Nous sommes nées comme eux, dans les années 70. Nées à la révolte, la dérision, iconoclastes à en perdre haleine. Ca a commencé à l’Arc de Triomphe en août 1970. Nous n’avons pas eu peur, une petite poignée de femmes, de profaner le sacro saint lieu patriarcal, l’Arc de triomphe. Nous y avons déposé une gerbe à la mémoire de la femme du Soldat inconnu, plus inconnue que son mari. Façon rigolote de signaler que le deuxième sexe était toujours à la traîne de ce monde. Cette gerbe était un hommage à toutes nos sœurs reléguées, de l’Histoire. Nous avions symboliquement refait irruption dans cette Histoire, revendiqué par l’humour notre placed’humaine. Nous étions les dignes héritières des autres, les dames à parapluie qui au XIX et XXe siècles avaient semé la graine du droit de vote des femmes. Nous avons inauguré au début des années 70, l’alliance du féminisme et de la dérision. Comme tous les David, face au Goliath mâle tout puissant, elle était notre fronde. Il faut croire que la fronde de notre révolte habillée d’humour a fait mouche. En quelques années, les femmes ont chaussé les bottes de sept lieues de leur libération. Nous revenons de loin et la peinture est encore fraîche.
Alors, il ne faut plus transiger avec nos valeurs fondamentales, égalité des sexes et laïcité. Or depuis des décennies, nos démocraties lâchent du lest, vont de démissions en démissions face à des revendications d’un autre âge. On a beaucoup parlé d’obscurantisme. Or le signe premier de l’obscurantisme est l’apartheid des femmes. Là où on ferme la porte aux femmes, là où on efface leur existence sous des suaires de mort, là est le signe irrévocable que le pire est possible. Le statut des femmes, est le thermomètre de la bonne santé d’une société. Aucune excuse, surtout pas religieuse, surtout pas antiraciste, ne doit venir masquer cette évidence.L’amalgame le plus intolérable aujourd’hui se fait entre une critique légitime des religions en terre laïque et le racisme. Race et religion sont deux concepts différents. C’est parce qu’on est antiraciste et antisexiste qu’on ne tolère pas les signes d’exclusion de tout un sexe. Par quelle aberration en est on venu à dissocier deux termes jumeaux et à les opposer ? Mais la dérive ne date pas d’hier. Un rappel historique s’impose : il rappelle que certaines féministes se sont mobilisées depuis des décennies contre la complaisance des élus et le silence des néo féministes face à l’islam.
En 1979, une délégation de femmes de gauche, à l’initiative de F Magazine, et présidée par Simone de Beauvoir, allait à Téhéran soutenir les femmes iraniennes opposées au tchador. C’était le début de la « révolution » Khomeini. Nous étions dix huit. Treize d’entre nous n’ont pas hésité à se couvrir le chef, du voile noir pour assister à la rencontreavec l’ ayatollah Taleghani « ‘ Vous voyez que le tchador ce n’est pas si mal, puisque vous le mettez ! » a ironisé l’ayatollah. C’est qu’il ne nous l’avait pas imposé ! Le lendemain trois femmes de la délégation , enfoulardées, se rendaient à Khom,, pour rencontrer l’ayatollah Khomeini. Il les a fait attendre cinq heures avant de leur accordér cinq minutes. La honte ! La scission fut claire entre celles qui s’inclinaient devant je ne sais quel respect du protocole et les cinq femmes qui refusaient de s’y plier. Quand on va défendre la liberté des femmes iraniennes, on ne se coiffe pas du signe qui marque leur soumission.
En 1989, quelques unes d’entre nous, rares, s’élevaient contre le port du voile par trois élèves au lycée de Creil. Mais la gauche, avec Jospin,empêtrée dans ses principes compassionnels, avait mis le doigt dans l’engrenage de la démission, en ne prenant pas des mesures fermes. La plupart des féministes, nourries au biberon gauchiste, prenaient la défense des voilées, au mépris de leur propres intérêts de femmes en voie de libération. Il ne fallait pas « stigmatiser »…Il faudra attendre 2004, sous Chirac, pour que soit votée une loi interdisant les signes religieux à l’école.
Et depuis , on n’a cessé de laisser faire, de céder sur l’essentiel de nos principes si chèrement acquis : l’égalité des sexes, le respect d’une laïcité ferme, qui n’a pas à s’ouvrir ou se fermer, tel un compas affolé, au gré des injonctions communautaristes. Quand on arrache une loi républicaine, celle interdisant le port de la burqua dans l’espace public, elle n’est pas appliquée. Pire encore on accepte qu’un intégriste paye les rares amendes qui sanctionnent le manquement à cette loi ! Comment expliquer ces dérives ? Au nom d’une tolérance aveugle, notre molle démocratie se perd dans les sables d’une compassion dangereuse. En fait à la manœuvre, on trouve la peur, le mépris de soi et la croyance dans le principe d’équivalence, au nom fallacieux du refus des hiérarchies. Par en dessous , il y a bien sûr les intérêts géopolitiques qui nous amènent, nous les valeureux défenseurs des droits de l’homme, à pactiser avec les pires autocraties du monde.
Nous l’avons payé cher . La preuve par 17 morts, qu’on ne pactise pas avec l’obscurantisme. Il se nourrit de notre permissivité. Il est au cœur detoute religion, du fait de la place qu’elle assigne aux femmes, la moitié de l’humanité, stigmatisées à jamais comme « inférieures ». Là est l’essentiel, là est le signe. Pour les passionnés de l’égalité que nous sommes dans ce pays, il y a un étrange no woman’s land. On pourfend certaines discriminations. Mais voiler une femme après tout, ce n’est qu’une coutume. On est à l’affût du symbole partout, mais là circulez il n’y a rien à voir.
Tous les prétextes sont bons pour jeter un voile sur la peur, honteuse, qu’on calfeutre sous les bons sentiments. Nos frères de Charlie se sont joués de la peur, ils ont fait fi des lâchetés ordinaires. Il n’y a pas d’accommodements raisonnables avec les pratiques obscurantistes, il n’y a que des compromissions. La liberté d’expression ? Quand elle devient à sens unique, quand elle est muselée par l’hypocrite politiquement correct, elle court un grave danger.
*Anne Zelensky, présidente de la Ligue du Droit des femmes, cofondée en 1974 avec Simone de Beauvoir.