Nathalie Barney, femme libérée, un séductrice dans les Années 1925 !!! [][][]
Natalie Clifford Barney
Fascinée par les poésies de Sappho et ouvertement lesbienne, elle a cherché à faire de son salon littéraire une nouvelle Mytilène, une école de femmes poètes qui réponde à une Académie française strictement masculine. Pendant plus de soixante ans, le 20 de la rue Jacob a revivifié un monde littéraire et artistiqueféminin, à travers les nombreuses conquêtes amoureuses de son hôtesse, telles la poétesse Renée Vivien, la courtisane Liane de Pougy, la mécène Élisabeth de Clermont-Tonnerre, le peintre Romaine Brooks, la romancièreColette, mais aussi des intellectuels qui ont compté des deux côtés de l'Atlantique, tels Salomon Reinach ou Gertrude Stein, homosexuels ou non mais favorables à la libération des mœurs et des arts. Par son indépendance d'esprit, sa liberté de mœurs, sa séduction, son goût pour les choses de l'esprit, sa fortune personnelle, elle a su donner dans le Paris de la Belle Époque et de l'Entre deux guerres un retentissement international à la cause féministe.

La mère de Natalie Barney, Alice Pike (en), a été fiancée à l'explorateur Henry Morton Stanley, mais, alors que ce dernier est parti pour une expédition de deux ans, elle épouse à sa place Albert Clifford Barney, un magnat américain des chemins de fer à Dayton, Ohio.
Une conversation avec Oscar Wilde, qu'elle a l'occasion de rencontrer alors qu'il fait une tournée de conférences en Amérique, l'encourage sur la voie des études artistiques que son mari désapprouve. Bravant la volonté de celui ci, Alice Pike s'y met sérieusement. Elle apprend la peinture auprès de Carolus-Duran et de James McNeill Whistler, et finit par exposer ses œuvres dans des galeries prestigieuses, dont la Corcoran Gallery of Art. Dans les années suivantes, elle invente et fait breveter des procédés mécaniques[1]. Elle écrit et fait jouer plusieurs pièces et un opéra et travaille également à favoriser les arts à Washington. Plusieurs de ses peintures figurent aujourd'hui dans la collection du Smithsonian American Art Museum.
Alice Pike (en) confie ses filles à une préceptrice. Celle-ci éveille l'intérêt de la petite Natalie pour le français en lui lisant à haute voix des histoires de Jules Verne, lecture habituellement réservée aux petits garçons. Le désir de les comprendre la pousse à apprendre cette langue .
Âgée de dix ans, Natalie Clifford Barney quitte l'Ohio avec sa famille pour Washington et passe l'été à Bar Harbor dans le Maine. Quelque temps plus tard, Alice part vivre avec ses deux filles, Natalie et la cadette Laura à Paris. Elle les inscrit à l'École des ruches, un internat fondé par la féministe Marie Souvestre. Devenue adulte, Natalie parle français couramment et sans accent. Elle décide de rester à Paris, et presque toutes ses œuvres publiées seront écrites en français.
À douze ans, Natalie se rend compte qu'elle est homosexuelle, que ce sont les femmes qu'elle aime. Elle prend alors la résolution de « vivre au grand jour, sans cacher quoi que ce fût ».
En 1899, après avoir vu à Paris la danseuse Liane de Pougy à un spectacle de music-hall, elle se présente chez celle ci en costume de page et fait annoncer un « page de l'amour » envoyé par Sappho. Liane de Pougy, courtisée par les hommes les plus riches et les plus titrés, est l'une des grandes horizontales les plus célèbres mais elle se laisse toucher par la témérité de la jeune fille. La cocotte se prend d'une passion très vive pour la jeune Américaine à la blondeur argentée, qu'elle surnomme « moonbeam » (rayon de lune). Les deux femmes vivent durant quelques mois un amour passionné, mais Natalie, peu encline à la fidélité, ne tarde pas à s'éprendre d'autres femmes, des modèles féminins qui posent pour sa mère mais surtout la poétesse Renée Vivien, qui a produit une traduction inégalée de Sappho.
Natalie évoque ces amours dans un recueil de poèmes Quelques portraits, sonnets de femmes, illustré de dessins de sa mère et publié à compte d'auteur en 1900. Liane de Pougy de son côté raconte son expérience dans un roman évocateur, Idylle saphique. Édité en 1901, le livre alimente les conversations du Tout-Paris, et doit être réimprimé soixante dix fois la même année, alors que, Natalie voulant « sauver » Pougy de son existence de courtisane, les deux amantes ont déjà rompu après plusieurs disputes.
Le grand succès du livre est aussi un succès de scandale, Natalie Barney est aussitôt renvoyée aux États-Unis, où son père fait brûler tous les exemplaires du recueil de poèmes qu'il trouve, et cherche à la marier. Mais la jeune fille réplique à son père qu'elle n'acceptera qu'un seul parti : lord Alfred Douglas, l'ancien amant d'Oscar Wilde.
Devant cet entêtement, son père se résout à la laisser revenir à Paris où elle collectionne les aventures : Renée Vivien, Eva Palmer (en), Lucie Delarue-Mardrus, la poétesse anglaise Olive Custance, future lady Douglas, l'écrivaine Colette, la cantatrice Emma Calvé, l'actrice Henriette Roggers…
En 1902, son père mort, Natalie Clifford Barney hérite d'une grosse fortune et peut louer une maison à Neuilly-sur-Seine où elle donne des fêtes païennes qui défraient la chronique. La plupart de ses conquêtes – à l'exception de Renée Vivien, dégoûtée par ce qu'elle juge des « orgies » – Pierre Louÿs, Isadora Duncan et son frère Raymond, Mata Hari et d'autres encore s'y retrouvent.

Elle s'installe, en 1909, dans un pavillon au 20 rue Jacob, dont on dit qu'il aurait été construit par le maréchal de Saxe pour sa maîtresse, l'actrice Adrienne Lecouvreur.
Cette maison sera, pendant près de soixante ans, le cadre de ses célèbres « vendredis », un des derniers salons littéraires influents. Viendront régulièrement Salomon Reinach, Auguste Rodin, Rainer Maria Rilke, Colette, James Joyce, Paul Valéry, Pierre Louÿs, Anatole France, Robert de Montesquiou, Edna St. Vincent Millay, Gertrude Stein, Alice B. Toklas, Somerset Maugham, Radclyffe Hall, T. S. Eliot, Ford Madox Ford, Isadora Duncan, Ezra Pound, Virgil Thomson, Jean Cocteau, Max Jacob, André Gide, William Carlos Williams, Djuna Barnes, George Antheil, Janet Flanner, Nancy Cunard, Peggy Guggenheim, Mina Loy, Caresse et Harry Crosby, Marie Laurencin, Oscar Milosz, Paul Claudel, Adrienne Monnier, Sylvia Beach, Scott et Zelda Fitzgerald, Sinclair Lewis, Emma Calvé, Sherwood Anderson, Hart Crane, Alan Seeger, Mary McCarthy, Truman Capote, Françoise Sagan, Marguerite Yourcenar…