Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur votre histoire ?
Jacqueline Sauvage. Pour dire toute la vérité avec mes mots. Je n’ai pas su m’exprimer lors de mes deux procès. Au tribunal, j’ai ressenti comme un acharnement. J’étais pressée par les questions des magistrats. Je devais étaler ma vie devant tout le monde. J’ai perdu mes moyens. Démunie, je n’ai pas su expliquer ce qu’avait été ma vie. Et j’ai peut-être été mal comprise. Je voulais prendre le temps de raconter ce qu’il m’est arrivé, ce qu’il nous est arrivé, à mes enfants et à moi.
Jacqueline Sauvage s'explique {}{}{}
Condamnée à deux reprises pour le meurtre de son mari, graciée par François Hollande, elle publie son histoire
Vous avez tué votre mari, un homme qui vous violentait, vous et vos enfants. Pourtant, vous avez reconnu : “Je l’avais dans la peau.” Est-ce compatible ?
Je l’ai rencontré très jeune, à 16 ans. Il était attirant et séduisant. Toutes les femmes étaient amoureuses de lui et c’est moi qu’il a choisie. Etre aimée par cet homme me donnait l’impression d’exister. Je me sentais forte de cet amour. Je l’ai aimé passionnément. Avec le recul, et avec ce qu’il m’a fait endurer et a fait subir à mes filles, je m’en veux d’avoir un peu trop pensé à moi en ce temps-là.
Y a-t-il eu des moments heureux dans votre couple ?
Quelques-uns, au début. Je suis tombée enceinte à 17 ans et je ne voulais pas être fille-mère. Alors, je l’ai épousé contre l’avis de ma famille. Assez vite, j’ai découvert son caractère colérique et méchant. Le jour des noces, je n’étais même pas sûre qu’il vienne. Mes frères m’avaient fait signer un contrat de mariage pour me protéger, car notre père, qui venait de décéder, m’avait laissé une petite maison. Mon futur mari était furieux. Il a menacé de me laisser me débrouiller seule avec l’enfant que je portais. Le climat était déjà tendu.
Vous souvenez-vous de la première gifle ?
J’ai commencé à avoir peur de lui après la naissance de notre première fille, Sylvie. Il était emporté, capable de tout casser, de frapper les murs lorsqu’il était en colère. Les insultes ont débuté quand Sylvie était bébé. Puis, un soir, nous étions allés chez des amis. J’avais mis une belle robe. Nos amis m’ont complimentée sur ma tenue, et il était fier. Une fois à la maison, il m’a dit que j’étais une traînée. Il m’a giflée pour la première fois. J’ai été choquée. Je lui en voulais, mais en même temps je me suis dit que je m’étais peut-être mal comportée.
Dans votre livre, vous expliquez que, pour tenir, vous vous mettiez en mode survie.
Quand je voyais qu’il rentrait énervé, qu’il parlait avec violence, je me recroquevillais sur moi-même. Je ne répondais pas, sinon cela mettait de l’huile sur le feu. Je demandais aux enfants d’aller dans leur chambre, pour essayer de les protéger. Et j’attendais, en tremblant, qu’il termine. Si les coups pleuvaient, je le laissais faire pour que cela s’arrête au plus vite et pour éviter qu’il s’en prenne aux enfants.
A quel moment l’amour pour cet homme s’est-il éteint ?
Quand il a commencé à frapper mes enfants. J’ai fait semblant et je me suis installée dans une routine. Ma vie est devenue une habitude.
Après sa mort, dès votre premier jour de prison, vous avez décidé de reprendre votre nom de jeune fille. Pourquoi ?
Je ne voulais plus porter le nom de Marot. Porter à nouveau le nom de Sauvage, c’était comme mettre de la distance avec mon calvaire.
Pourquoi n’êtes-vous jamais allée chez le médecin faire constater vos coups ? Pourquoi n’avez-vous jamais porté plainte ? Pourquoi n’avez-vous pas divorcé ?
Au début, j’aimais mon mari et je voulais l’aider. Il avait eu une enfance difficile et j’essayais de comprendre. Ensuite, je suis une taiseuse : je garde tout pour moi et j’espérais qu’on forme un jour une famille normale. J’espérais que les choses allaient s’arranger. A mon époque, on ne divorçait pas si facilement. Et quand les coups sont arrivés, j’avoue que je n’avais pas le courage de l’affronter. J’avais peur des représailles si j’allais porter plainte. Et partir… avec mes enfants… mais comment et pour aller où ? Les comptes bancaires étaient à son nom et je n’avais plus d’amis. On ne fréquentait que les siens. Il m’avait également isolée de ma famille.
Les habitants de votre village se doutaient que vous étiez maltraitée. Personne ne vous a tendu la main ? Et n’avez-vous jamais eu l’idée de demander de l’aide ?
Tout le monde savait mais personne ne bougeait. Ils avaient peur de lui. Certaines personnes avaient porté plainte contre lui parce qu’il les avait frappées ou harcelées, mais sans résultat.

Certains voisins disent que vous étiez aux côtés de votre mari quand il les attaquait ou les insultait.
Je le suivais, bien sûr, pour ne pas avoir de problèmes. Si je tentais de le contredire, il m’ordonnait de me taire et il se vengeait à la maison.
Le jour du drame, alors que vous aviez enduré quarante-sept années de violence, pourquoi êtes-vous passée à l’acte ?
Parce que, pour la première fois, j’ai eu peur pour ma vie et pour celle de mes enfants. Après m’avoir une nouvelle fois battue, traînée par les cheveux, donné un coup de poing au visage à me faire saigner, il m’a dit : “Je vais te crever ! Je vais crever tes enfants !” Il y a eu comme une explosion dans ma tête. Je suis allée saisir l’arme. Il était assis dehors dans le jardin et j’ai tiré.
Pourquoi avez-vous pris ses menaces, ce jour-là, plus au sérieux que les autres fois ?
Depuis quelque temps, il était encore plus violent. Il buvait beaucoup. Mes filles avaient menacé de le dénoncer s’il n’arrêtait pas de me brutaliser. Elles voulaient porter plainte pour les violences qu’il m’infligeait mais aussi pour les viols qu’elles avaient subis. Mon fils, Pascal, en apprenant que son père avait violé ses sœurs, avait décidé de couper les ponts. Au cours d’une dispute, quelques jours avant le drame, son père avait failli le tuer.
Est-ce seulement à cette époque que vous avez appris que votre mari avait violé vos filles ? Vous ne vous en étiez jamais doutée auparavant ?
Fabienne avait fugué à l’âge de 15 ans. Récupérée par les gendarmes, elle avait déposé contre son père mais elle s’était rétractée. Quand je l’ai questionnée, elle m’a répondu que c’était des bêtises, que ce n’était pas vrai. Je pense aujourd’hui qu’elle était terrorisée par les conséquences. A l’époque, j’ai préféré la croire. Je n’arrivais pas à imaginer qu’il avait pu faire une telle chose.Pensez-vous, comme vos avocates l’ont plaidé, que vous étiez en légitime défense ?
Oui. J’ai eu peur pour ma vie et celle de mes enfants.
N’avez-vous pas eu l’intention de vous venger ?
Le geste que j’ai commis n’est pas un acte de vengeance mais de survie.
Vous avez dit que vous ne vous sentiez pas coupable, mais avez-vous des remords ?
Je regrette d’avoir tué un homme. Ce n’était pas ma volonté. J’étais au bout du rouleau. Je voulais juste que tout cela s’arrête.
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La mort de votre mari vous a-t-elle délivrée ?
Ce que j’ai commis est horrible mais je suis soulagée, pour moi et pour mes enfants. Je continue à le voir dans mes cauchemars. Je rêve qu’il est encore là et qu’il m’impose sa violence et sa terreur. Eveillée, je suis toujours sur le qui-vive.
Vous, la taiseuse, êtes devenue malgré vous l’icône des femmes battues. Quel effet cela a-t-il eu sur votre détention ?
J’ai été portée. Je ne pouvais pas me laisser aller. Je voyais mes filles qui se battaient pour moi à travers les médias, j’étais fière d’elles. Pour toutes ces raisons, je devais rester debout.
Qu’avez-vous envie de dire aux femmes qui sont victimes de violences conjugales ?
Réagissez dès la première gifle. Osez parler. N’attendez pas d’arriver aux mêmes extrêmes que moi.
Comment vous sentez-vous depuis votre libération ?
Je suis épuisée. J’ai besoin de repos. J’avoue être un peu perdue. Cela a été une grande joie de retrouver mes enfants et mes petits-enfants, mais je ne sais plus quels sont mes repères. J’ai toujours vécu sous le joug de mon mari. Je dois réapprendre à vivre.
Quel premier plaisir vous êtes-vous accordé ?
Nous sommes allés au cirque le week-end après ma libération. C’était formidable ! De ma vie, je n’avais jamais eu le droit d’emmener mes enfants au cirque.
Pensez-vous pouvoir, un jour, être heureuse ?
Cela me paraît difficile. Mon fils s’est pendu la veille du drame, sans explication. Il me manque beaucoup. Je vais faire en sorte d’avoir la force de profiter de mes filles et de mes petits-enfants. Paris Mach .
Je suis d'accord avec Christine Le Doaré
"P.- S. : afin de tenter d’éviter toute polémique stérile ou faux débat, je précise à toutes fins utiles que j’ai signé pour la libération de Jacqueline Sauvage, que j’ai considéré sa peine bien trop forte et que mon propos n’est pas de refaire le procès, encore moins de contester les violences faites aux femmes. Mon intention est de questionner les limites d’un féminisme « victimaire » qui oublie que le corolaire de l’oppression et de l’aliénation sont la résistance et la libération. Ce n’est pas en enfermant systématiquement et indéfiniment les femmes dans l’irresponsabilité, en les réduisant à des mineures bloquées dans les années 70 et même 50 que nous allons avancer. Il s’agit d’une réflexion politique sur des perspectives politiques perdues du féminisme, non pas de nier l’oppression, ni encore moins les violences faites aux femmes bien réelles et qui doivent être combattues sans relâche. Cette affaire Jacqueline Sauvage comporte bien des zones d’ombre, nier la part de responsabilité Mme Sauvage est une impasse. J’ajoute en bas de page un troisième lien, celui d’un article d’une « féministe historique » Anne Zelinski « Jacqueline Sauvage : responsabilité, ma soeur » (je précise : je n’aime pas beaucoup Causeur, mais ça dépend des auteur-e-s), je ne suis pas en accord avec tout ce qui est écrit et je trouve le texte un peu brutal, mais il a le mérite de placer le débat au niveau politique, de rappeler le sens du combat féministe : nommer, lutter, dépasser. Ce débat devrait pouvoir avoir lieu sereinement entre féministes. Mais de nos jours, l’analyse est si pauvre et l’anathème si prompt…
Je n’ai pendant longtemps rien eu envie de dire sur « l’affaire Jacqueline Sauvage ». Pourtant, mon opinion sur cette affaire est belle et bien forgée et maintenant que Madame Sauvage est libre, je peux l’exprimer.
Tout d’abord, il me paraît utile de rappeler que les violences conjugales sont l’une des manifestations les plus hideuses du système patriarcal. Les hommes exercent une violence brutale et perverse sur l’être le plus proche et donc vulnérable, qu’ils ont sous la main.
Jacqueline Sauvage était indéniablement victime de violences conjugales.
L’enjeu de « l’affaire Jacqueline Sauvage » était peut-être moins sa libération que la situation vécue par toutes les femmes victimes de violence conjugale. Ces odieuses violences patriarcales dignes d’un autre siècle doivent cesser, il en va des droits des femmes autant que de santé publique.
Les lâches auteurs des violences faites aux femmes sont les geôliers d’un système d’oppression, ils doivent être condamnés lourdement et être mis dans l’incapacité de sévir à nouveau.
Mais ce n’est pas, comme l’a si bien dit Luc Frémiot *, le droit qui doit changer, mais les mentalités. Toutes les mentalités : celles des institutions et pouvoirs publics en charge de prendre et d’appliquer les lois, celles des hommes que des campagnes de prévention et une juste répression doivent remettre à leur place, mais aussi celle des femmes.
En effet, il est grand temps que les femmes s’aident un peu. Le système patriarcal ne va pas tomber tout seul, les associations féministes n’y suffiront pas, les institutions non plus, si elles n’y mettent pas un peu du leur. Depuis le temps que ces violences sont perpétrées, il serait temps que les femmes analysent leur manière d’appréhender leurs rapports aux hommes :
- mettre à distance mirages et illusions,
- comprendre le fonctionnement des relations humaines : la séduction, le désir, l’amour, le couple
- être un peu moins passives en tous cas un peu plus lucides, sans pour autant se méfier de tous ni faire d’amalgames.
En outre, le féminisme victimaire qui s’engouffre sans nuances dans la défense de femmes qui sont loin d’être dénuées de responsabilités, fait beaucoup de tort aux luttes féministes.
Jacqueline Sauvage : une femme sous l’emprise d’un violent manipulateur pervers, mais aussi une femme d’emprise qui a tout de même beaucoup dissimulé, notamment aux enquêteurs et lors du procès. Elle se marie alors que les premiers coups ont déjà été portés, elle accepte d’avoir non pas un mais quatre enfants avec cet homme qui viole ses filles dans sa propre maison. N’est-elle d’ailleurs pas complice de ces viols, elle qui a tout de même choisi de croire le mari violent qu’elle connaissait parfaitement, plutôt que ses propres filles ? Jacqueline Sauvage est à mes yeux une femme définitivement antipathique. Je ne lui nie évidemment pas le statut de victime, mais elle n’a en rien tenté de sortir de la situation ni de préserver ses filles, son fils.
Tant de femmes, ne serait-ce que pour protéger leurs enfants, prennent le risque de partir, quitte à sauter dans l’inconnu, Jacqueline Sauvage est restée, faisant de ce fait, aussi le choix de sacrifier ses filles.
Elle a tiré dans le dos. Elle savait parfaitement se servir d’un fusil, femme de caractère, chasseuse et rompue au tir au fusil ; elle n’était à ce moment-là pas du tout en état de légitime défense. Sidération et SPT* ont tout de même bon dos.
Je plains les victimes que sont aussi et surtout les enfants de Jacqueline Sauvage et leurs propres enfants.
Les juges feront mieux leur travail quand ils seront plus éclairés sur la nature des violences conjugales et leurs conséquences ; ils ne devront pourtant jamais inventer une légitime défense quand elle est inexistante au moment des faits. L’inverse reviendrait à un instituer un permis de tuer, alors que les solutions résident dans la prévention et un plan de lutte généralisé. Ce n’est pas le droit, mais bien les mentalités, le droit au respect, à la sécurité, à l’égalité, qui doivent évoluer.
La grâce présidentielle est constitutionnelle, elle s’exerce en pleine âme et conscience et n’a pas à faire l’objet ni de pressions ni de commentaires, encore moins des magistrats (séparation des pouvoirs).
La lutte contre les violences faites aux femmes est un immense chantier, les violences conjugales n’en sont qu’une partie. Le retour en force du religieux et du communautarisme les accélèrent et aggravent considérablement. La lutte sera longue, très longue mais ne sera victorieuse que lorsque tous les paramètres seront mis en perspective. Le droit désormais est satisfaisant, ce sont les mentalités qui devront changer alors que pourtant, elles régressent.
Tout ce qui met les femmes en danger doit être combattu ; la société, les institutions ont un rôle majeur à jouer, mais les parents également, les garçons comme les filles, doivent recevoir une éducation non sexiste.
Les hommes violents doivent se faire soigner ou être dénoncés, jugés et mis hors d’état de nuire, aucune complaisance ne doit être tolérée jamais ; les femmes doivent vouloir être libre de leur vie sans contrainte masculine d’aucune sorte.
Nous ne sommes plus au moyen-âge mais au vingt-et-unième siècle !
Christine Le Doaré "
Baptiste Beaulieu s'interroge sur le procès en cours de Jacqueline Sauvage accusée avoir assassiné son mari. Cette femme fut violée, battue, martyrisée pendant des années. Aujourd'hui le médecin et blogueur s'intéresse à la notion de culpabilité et de responsabilité et se pose cette question : qui est à blâmer ?
Il y a cette femme, dans le box des accusés, Jacqueline Sauvage. Madame Jacqueline Sauvage (notez les majuscules). Elle a 67 ans, je crois, ou quelque chose comme ça. Elle a 67 ans et 47 ans de violences conjugales. 47 ans. Des coups, des insultes et des viols. Le lendemain du suicide de leur fils, elle a abattu son (bourreau) mari de trois coups de fusil. Pas une ou deux cartouches, non. Trois cartouches. Lui, le monstre alcoolique, incestueux, sadique, a violé leurs trois filles et battu leur fils durant des années (telles qu'elles en ont témoigné à la barre).
Elle, Madame Jacqueline Sauvage, un premier jugement l'a condamnée à 10 ans de réclusion criminelle. Je ne suis pas avocat, j'écris des romans et même si le thème des violences conjugales y revient régulièrement, je ne suis juge de rien. D'ailleurs, ce n'est pas mon rôle et je n'en suis pas capable. Je suis un simple citoyen qui s'interroge. Oui, il y a eu meurtre. Oui, elle a tué son bourreau de mari. Oui, cette affaire est au tribunal et quelqu'un devrait être jugé. Mais qui ? Qui devrait être au banc des accusés ? Il y a un coupable. Il y en a deux, même. L'un est mort, l'autre c'est nous. Oui, nous. La société est coupable. Tous les 2,5 jours, une femme meurt en France sous les coups de son mari. Pas sous les heurts d'un inconnu, non. Un mari. Un époux. Un compagnon. Les insultes, les gifles, les coups de poing, les coups de pied. Des coups, des coups, des coups. Imagine-t-on ? Oui, cette femme a tué un homme. A-t-elle sauvé sa vie ? A-t-elle protégé sa famille ? A-t-elle voulu venger son fils ? Est-elle un danger pour la société ? Doit-on la priver de sa liberté, elle qui fut 47 ans durant prisonnière de son (bourreau) mari ? J'entends "cette femme doit rendre compte de ses actes à la société." Moi je dis : "la société doit rendre compte de son inaction envers cette femme." Oui, la justice est toujours d'une clémence coupable envers les responsables de violences conjugales. Quel est donc ce pays que le nôtre ?
Qui se targue d'être le "Pays des lumières", qui se rengorge, vient faire la morale aux autres pays sur le sort de la condition féminine, donne des leçons, mais est incapable de protéger ses concitoyennes ? Qui ? C'est la France. Tous les trois jours, l'État est coupable. Tous les trois jours, l'État faillit à sa mission. 547 000 personnes sont victimes de violences conjugales en France. 143 personnes décèdent sous les coups de leur conjoint. L'État les ignorerait toutes ? Rappelons qu'une main courante avait été déposée par la fille de Madame Jacqueline Sauvage. Restée sans suite. Ce n'était pas anodin : cet homme terrorisait sa famille. Quel courage il a fallu pour qu'une des filles parle enfin ? On veut condamner cette femme ? Mais en regard de la sécurité que doit la République à l'égard de chacun de ses citoyens, oui, en regard du droit élémentaire de NE PAS AVOIR PEUR, cette femme est victime.
Oui, il y a eu meurtre. Non, personne ne doit tuer impunément. Pas plus elle qu'un ou qu'une autre. Mais nul ne peut imaginer le calvaire de Madame Jacqueline Sauvage. Personne. Où étaient la police, les professeurs, les voisins, l'éducation nationale, les services sociaux, les gendarmes, les médecins, quand cet homme faisait ce qu'il faisait ? Quand cet homme violait, violentait, "sadisait", brisait toute volonté et imposait sur la cellule familiale le règne de l'indicible peur, de la mort et des coups ? Que serait-il arrivé à cet homme si il n'était pas mort ? Rien. L'impunité crasse de l'indifférence. NOTRE indifférence. Il ne méritait pas la mort. Il méritait d'être jugé. Et l'État a failli. La justice a failli. Il y a non-assistance à personne en danger. On ne rend pas la justice avec des émotions. Mais cette femme, qui l'a protégée ? Quel Etat, quelle République, quelles Institutions l'ont protégée ? Qui a brisé l'atroce sourdine de l'indifférence générale ? Rappelons encore une fois qu'une main courante avait été déposée par la fille de Madame Jacqueline Sauvage. Restée sans suite. La suite ? Le fils s'est tué, et elle a tué le père. Qui est coupable ? La justice le dira, mais elle arrive bien (trop ?) tard... Qui est victime ?
Une épouse, un fils, deux filles, un époux, une famille...Il recommencera, le drame, l'ignoble drame. Il recommencera et on posera les mêmes questions et on lèvera les bras au ciel et on dira " c'est terrible, quelle tragédie ! ". Et des gens continueront à mourir.
PS : je rappelle un numéro : 3919. Ce n'est pas assez, mais c'est déjà ça.
INTERNATIONALMercredi 28 décembre, Jacqueline Sauvage est totalement graciée par le président français, François Hollande. Une décision unanimement saluée dans les différents partis politiques du pays, mais aussi au niveau international.
Après 50 années de violences conjugales en tout genre, la femme aujourd'hui âgée de 69 ans et mère de quatre enfants a fini par tirer trois balles, en date du 10 septembre 2012, dans le dos de son mari, Norbert Marot... son bourreau, leur bourreau.
En janvier dernier, ses trois filles, Sylvie, Carole et Fabienne (dans l'ordre chronologique, en omettant Pascal né entre Carole et Fabienne), sont revenues sur le véritable enfer vécu par la famille dans les colonnes du Figaro .
Tout prend racine lors d'une " fête à la salle des jeunes du village ", commence Sylvie âgée de 50 ans et fille aînée de la fratrie, au cours de laquelle Jacqueline tombe sous le charme du loubard du quartier, Norbert Marot. " La famille de ma mère a désapprouvé, c'était un bagarreur. Les bals se terminaient toujours mal avec lui. Maman n'avait alors que 15 ans ", poursuit Sylvie. A 17 ans, Jacqueline Sauvage tombe enceinte et se marie quelques mois après avec un homme déjà violent à son égard.
Quelques années plus tard, et avec quatre enfants à sa charge, le couple élève sa famille dans un climat extrêmement violent. Norbert Marot passe littéralement à tabac Jacqueline Sauvage et ses enfants, comme en témoigne leur fille aînée au Figaro . "Très jeunes, nous avons connu les sévices physiques violents [...] Ceux-ci sont progressivement devenus sexuels, à partir du moment où nous avons été formées (elle et ses sœurs, ndlr )". Malheureusement, le calvaire ne s'arrête pas là pour les trois sœurs... les attouchements glissent peu à peu vers le viol. " Il se glissait dans notre lit pour se frotter contre nous ", raconte Sylvie. Carole et Fabienne seront violées par un père manipulateur qui leur faisait douter de leurs versions des faits. Au final, les quatre femmes (adolescentes pour les filles) de la famille passeront par la terrible case du sexe non consenti. Pour autant, aucune d'elles ne savait pour les autres... se murant dans le silence.
La mort de Norbert Marot vécue comme une libération
Alors que les filles quittent le bercail, les violences contre Jacqueline Sauvage se poursuivent et se répètent. "Plusieurs fois, elle est venue se réfugier chez Fabienne, Sylvie ou moi… Il revenait toujours la chercher, il la menaçait, elle mais aussi nous, nos maris, nos enfants", explique Carole à nos confrères. De son côté, Sylvie avoue qu'elle pensait souvent : "Mais quand est-ce qu'il va claquer et nous laisser tranquilles ? Depuis qu'il n'est plus là, c'est comme une libération, comme un peuple emprisonné pendant une guerre qui retrouve son indépendance."
Ce n'est qu'à l'âge de 40 ans que Pascal apprend les sévices sexuels dont ont été victimes ses sœurs. "Il n’y croyait pas, il s’en est beaucoup voulu et à notre père aussi. Il lui a reproché d’avoir gâché sa vie", relate Fabienne. L'avant-dernier de la famille en vient aux mains avec son père en lui assénant : "Comment peux-tu vivre après ce que tu as fait aux filles ?", ce à quoi Norbert Marot répliquera par la fuite et le déni complet comme en témoignent ses propos tenus à sa femme à son retour: "Tes connasses de filles ont été raconter des mensonges à Pascal. Il me traite de violeur !"
Elle parle vite, très vite. Comme si les mots la brûlaient. Sylvie Marot, fille aînée de Jacqueline Sauvage, se tient à la barre des témoins du tribunal de Blois, ce mardi 1er décembre. Ses mains s’entortillent devant elle et sa voix, vacillante, n’est jamais bien loin de céder la place aux sanglots. En ce premier jour du procès en appel de sa mère, accusée d’avoir assassiné son père de trois coups de fusil, elle revient sur cette enfance passée dans la peur et l’inceste. Pour "montrer que maman a subi des violences toute sa vie", dit-elle.
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"Avec ma sœur Carole, quand on avait 6-7 ans, on entendait souvent des cris qui venaient de la cuisine", se souvient-elle. "Il s’en prenait à elle pour des motifs divers : le ménage, la cuisine. Nous, on attendait que ça passe. On espérait toujours que ça allait s’arranger." Las, bientôt, la situation empire. "Pour nous, les problèmes ont commencé quand on s’est formées physiquement", reprend Sylvie, suspendant son souffle, laissant craindre le pire, avant d’asséner : "Il a commencé les attouchements".
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"C'était pénible à vivre. C'est pénible à raconter."
"Il attendait que maman parte au travail pour venir dans notre lit et se frotter contre nous", explique-t-elle, aujourd’hui âgée de 50 ans. "Un jour, j’ai eu un pressentiment. Je ne trouvais plus Carole, je la cherchais partout dans la maison. Mon père m’a dit qu’elle était partie chercher du lait à la ferme. En fait, je l’ai appris plus tard, il l’avait violée dans la salle de bain." Elle ajoute, de plus en plus agitée : "Il lui fallait toujours un punching-ball pour se soulager. C’était invivable." Selon les dires de Sylvie, son père aura donc été incestueux envers ses trois filles. Mais elle avoue : "Nous, on le cachait, on ne voulait pas le dire à maman." Un silence que la cour ne comprend pas.
Pourquoi, même devenue adulte, Sylvie n’a-t-elle jamais porté plainte contre son père ? demande la présidente, visiblement agacée que les détails apportés aujourd’hui par la fille aînée ne figurent pas au dossier . "Parce que j’ai honte. J’en fais encore des cauchemars. C’était pénible à vivre. C’est pénible à raconter. A 21 ans, quand il m’a passée à tabac, je me suis dit que c’était la dernière fois." Une explication qui ne semble guère convaincre la cour.
"... sans vouloir vous faire un procès"
S’ouvre alors ce qui ressemble fort à un second procès. Celui de Sylvie et de son silence. "Avec le recul, porteriez-vous plainte aujourd’hui ?" lui demande l’avocate de la partie civile, maître Henry-Weissgerber. "Non", répond Sylvie. "Il était terrifiant, incontrôlable. J’aurais eu peur qu’il s’en prenne à maman et qu'il la tue." Mais l’avocate insiste : "Vous dites qu’il était incontrôlable, mais vous n’avez pas donné l’opportunité à la police de le contrôler". Et la présidente de renchérir : "C’est le malheur de votre mère que vous avez fait… sans vouloir vous faire un procès."
"Mon père c’était un tyran, un pervers. C’est tout ce que j’ai retenu de lui", conclut Sylvie, un peu déboussolée. A tel point que le procureur juge bon d’ajouter, sans doute pour rappeler qui, dans cette histoire, est la victime : "Madame, vous n’êtes pas dans le box des accusés." Sylvie acquiesce, baisse les yeux vers le sol. Elle n’en dira pas plus.
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