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17 Apr

Alma Rosé, violoncelliste, au cœur de l’Horreur §§§

Publié par La pintade rose  - Catégories :  #Femmes Femmes..., #J'aime

Aujourd’hui, je vous présente Alma Rosé, née à Vienne, elle est la fille du violoniste Arnold Rosé et de Justine Mahler, sœur du compositeur Gustav Mahler. Plongée dans la vie musicale dès son plus jeune âge, elle devient violoniste à son tour. En 1930, elle épouse le violoniste tchèque Váša Příhoda (de), considéré comme l'un des prodiges du xxe siècle. Leur mariage durera cinq ans.

En 1932, Alma Rosé fonde l'orchestre féminin, Die Wiener Walzermädeln, avec lequel elle fera de nombreuses tournées en Europe.

Au moment de l'Anschluss, elle fuit avec son père à Londres. Revenue sur le continent pour quelques concerts, elle se retrouve prise au piège aux Pays-Baslors de l'invasion nazie. Partie pour la France, elle est arrêtée fin 1942 par la Gestapo. Internée au camp de Drancy, elle est déportée en juillet 1943, par le convoi No. 57.

À l'intérieur du camp, elle se retrouve nommée directrice de l'orchestre des femmes, qui rassemble des musiciennes de tout niveau chargées d'encadrer en musique le départ des déportées pour le travail ou de jouer pour le seul plaisir des SS. Ce « rôle » confère à Alma le titre de kapo, ce qui lui permet d'obtenir certains privilèges.

Début avril 1944, elle tombe sans explication subitement malade et est transportée à l’hôpital avec de fortes douleurs gastriques et une grande fièvre. Alma Rosé meurt le 4 avril 1944 à Auschwitz, victime selon les uns d'une intoxication alimentaire ou d'une infection foudroyante, selon d'autres d'un poison.

Elle est enterrée au cimetière de Grinzing, près de Vienne.

Ceci est un tout petit résumé sur sa vie. Lisez et écoutez la suite, vous en saurez davantage !

 
 
 
Alma Rosé, nièce du compositeur Gustav Malher, née en 1906 à Vienne, évolue dans un foyer chaleureux, choyée par ses parents et son frère Alfred plus âgé qu'elle. Leur père, brillant violoniste, se charge de leur éducation musicale et fera d'eux des musiciens accomplis. Alfred préfèrera la composition et le piano au violon. Ils vivent à Vienne, ville réputée pour sa douceur de vivre, son bien-être, sa « Gemütlichkeit » dans laquelle excerce le quatuor Rosé, quatuor créé et dirigé par Arnold Rosé, le père d'Alma qui jouit d'un immense prestige. Après un mariage, qui la décevra, avec le violoniste tchèque Vina Prihoda, Alma crée son propre orchestre, un orchestre féminin les Wälzer mädeln dont les prestations musicale et scénique, très appréciées, l'amènent à voyager. Elle est une femme émancipée qui gère une structure musicale de grand talent.
Tout bascule lorsque Hitler arrive au pouvoir ce dont témoignent des membres de la famille d'Arnold Rosé qui vivent à Berlin. L'antisémitisme, dont avait été protégée la ville de Vienne par l'empereur, se répand en Autriche qui est annexée après l'assassinat du chancelier Dollfus. Ni la famille Mahler, originaire de Moldavie, ni la famille Rosé ne pratiquent la religion judaïque. Ils se considèrent comme des familles assimilées. Cependant, les difficultés qui frappent la communauté juive ne les épargnent pas. Malgré son immense talent, sa réputation internationale, Arnold Rosé est démis ses fonctions à l'orchestre de Vienne. Le premier à fuir cette ambiance délétère sera Alfred, le frère d'Alma, qui se réfugie aux États-Unis avec sa femme Maria. Puis, Alma et son père gagnent l'Angleterre où des relations, des amis s'organisent pour les aider. Les difficultés financières auxquels ils sont confrontés, incitent la jeune femme à partir aux Pays Bas. Son courage, sa ténacité lui permettront de jouer dans des concerts privés. Elle subvient à ses besoins et parvient à aider financièrement son père. Les lettres qu'elle envoie régulièrement à Alfred attestent des cachets qu'elle reçoit, de ses tourments et du désespoir qui la submergent. Leur relation épistolaire lui est essentielle. Arrêtée à Dijon alors qu'elle tente de fuir en Suisse, elle sera dirigée sur le camp d'internement d'Auschwitz- Birkenau. Sa famille n'en a pas connaissance et la croit en sécurité.
 
Là, Alma Rosé est d’abord envoyée au bloc des expérimentations « médicales » de Josef Mengele.
Comme elle avait été enregistrée dans les registres du camp sous le nom de son second mari hollandais non-Juif, les dirigeants nazis ne se rendent compte de la présence d’une telle artiste que lors de leur recherche d’une violoniste pour l’anniversaire d’une personnalité.
 
La virtuosité d'Alma Rosé impressionne tant les gardes du camp qu’elle est transférée à Birkenau, et en août 1943, désignée directrice du Mädchenorcheste, l’orchestre de jeunes déportées, souvent amateures, qui joue lors du départ et du retour du travail des déportées, pour les SS, lors de visites de certains responsables, etc.
 
Placée sous l’autorité de la commandante Maria Mandel, Alma Rosé obtient une baraque spéciale pour l’orchestre, avec une salle de répétition et un sol en bois pour protéger les instruments du froid et de l’humidité. Elle parvient à obtenir que l’orchestre ne se produise plus lors de certaines intempéries : neige, pluie.
 
Succédant à la professeur de musique Zofia Czajkowska comme chef de cet orchestre, Alma Rosé, autoritaire, sévère, élève le niveau de cette formation – plus de huit heures quotidiennes de répétition - et étend son répertoire, des marches allemandes et musiques folkloriques polonaires aux compositions classiques et musiques d’opérettes ou de films, afin de satisfaire les SS. Le prix de leur survie. 
 
Alma Rosé garde les musiciennes peu talentueuses en les nommant à des postes d’assistantes ou de copistes. Ce qui évite la mort à environ une quarantaine de déportées, souvent Juives. 
En octobre 1944, les musiciennes Juives de cette formation sont envoyées au camp de Bergen-Belsen, et les non-Juives au camp principal d’Auschwitz.
 
Une polémique a surgi sur le rôle d'Alma Rosé à Auschwitz. La violoncelliste Anita Lasker-Wallfisch, ancienne musicienne dans cet orchestre, a défendu Alma Rosé en soulignant son rôle positif à l’égard des membres de cet orchestre.
 
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(Écrit à quatre mains, ce livre est le résultat d'une documentation minutieuse : lettres, articles de journaux, états civils pour ce qui concerne la première partie, puis témoignages de survivantes de l'orchestre féminin d'Auschwitz, parfois contradictoires pour ce qui concerne la personnalité d'Alma mais tous unanimes pour reconnaître que son engagement musical a sauvé de nombreuses femmes de toutes religions, de toutes nationalités. Elle recrutait elle même les musiciennes, charge lourde car elle savait pertinement que celles qui échoueraient seraient vouées à la mort, puis les formaient. Un travail acharné leur était demandé, de dix à douze heures par jour ce qui leur évitait les corvées auxquelles étaient soumises toutes les détenues. En contre partie, elles étaient mieux traitées que les autres, meilleure ration de pain, matelats corrects, soins médicaux, douches et sanitaires. La discipline qu'elle imposait à toutes, leur a permis d'oublier les horreurs auxquelles elles étaient confrontées en permanence, leur baraquement jouxtait le lieu où étaient comptés puis séparés les prisonniers dont certains étaient envoyés directement aux chambres à gaz. Outre les musiciennes, elle employait des copistes, qui devaient produire un travail clair et précis des arrangements, des relevés qu'elle-même réalisait soit de mémoire, soit à partir de transcriptions pour piano que lui fournissaient les SS. Non seulement c'était une chef d'orchestre exigeante, formatrice et pédagogue mais aussi une négociatrice auprès d'un pouvoir méprisant et brutal. L'orchestre, hétéroclite, comprenant flûte à bec, accordéon, mandolines, violons, devient un orchestre de bon niveau grâce à ce labeur acharné alors qu'elles n'étaient que deux musiciennes de haut niveau, elle-même et une autre violoniste. Il comptait pour moitié des musiciennes juives et non juives ce qui a parfois créé des tensions entre elles ( elles vivaient en huit clos), ce qui a alerté certains SS qui nourrissaient des soupçons à son égard car ils estimaient qu'elle employait trop de musiciennes juives. Sa mort, le 5 Avril 1944, reste inexpliquée : épuisement, suicide, empoisonnement, plusieurs suppositions dont aucune n'est validée à l'heure actuelle.

Par delà son destin tragique, les conditions effrayantes des détenus, l'organisation du camp sont relatées avec précision. Des relevés chiffrés concernant le nombre de personnes, hommes, femmes et enfants déportés et gazés, issus d'études réalisées par des historiens étayent les propos de Richard Newman dont les recherches, pour interroger les survivantes de l'orchestre et plus d'une centaine de personnes, ont été effectuées à partir de 1963 et ont duré vingt deux ans. Le lecteur qui referme les dernières pages de cette étude, attéré par la description des exactions commises et respectueux face à la determination d'une jeune femme qui a mis ses compétences au service de compagnes en grande détresse, se pose cette question « Pourquoi la musique ? ».)

Le plus beau compliment qu’Alma pût faire à l’orchestre, se souvient Anita, était d’estimer que son père, Arnold Rosé, eût apprécié de les entendre jouer. « Elle nous parlait souvent de lui et nous dit à plusieurs reprises – c’était une quasiprémonition – que si l’une ou plusieurs d’entre nous survivaient au camp, il nous faudrait aller voir Arnold et lui parler de l’orchestre. » Lors d’une interview donnée à la BBC en 1996, Anita fut amenée à se prononcer sur les qualités musicales de l’orchestre. La réponse ne vint pas immédiatement. Anita cherchait ses mots. « Lorsque j’y repense, j’ai du mal à répondre à cette question, finit-elle par dire. Nous n’étions pas aussi mauvaises que nous l’aurions dû, étant donné qu’il n’y avait pratiquement aucune professionnelle parmi nous. Mais Alma Rosé, étant Alma Rosé – c’était le chef d’orchestre, oui – elle avait mis la barre extrêmement haut. » Alma « avait-elle compris que c’était la seule manière de garantir la vie sauve aux musiciennes » ? À cette interrogation, Anita répond de la manière suivante : « Je ne crois pas qu’elle ait été poussée par la peur – la peur des SS, celle d’être gazées si nous ne jouions pas assez bien pour eux. Je ne crois pas. C’était plutôt une évasion dans… la perfection […]. Dans le contexte, cela semble complètement absurde. » Manca Švalbová – une jeune déportée juive de Bratislava, étudiante en médecine, pour laquelle Alma avait une grande affection et qu’elle surnommait le Dr Mancy – estime elle aussi qu’Alma retrouvait sa liberté dans la musique. Sans musique, disait le Dr Mancy, Alma était comme un oiseau aux ailes ensanglantées, se heurtant aux barreaux de sa cage. La musique lui permettait de prendre son envol, de quitter Birkenau, « comme si elle avait recouvert le camp d’un cache-lumière>>.

1. Anita Lasker-Wallfisch, interviewée par Sue Lawley dans le cadre de l’émission de BBC 4, DesertIsland Disks,août 1996.
2. Les propos attribués à Manca Švalbová proviennent d’entretiens accordés à Richard Newman (Luba Pavlovicova-Bakova assurait la traduction simultanée) en 1983 et 1985 dans sa Bratislava natale. Le Dr Švalbová devint une pédiatre de renom après la guerre. Elle consacre tout un chapitre à Alma dans ses mémoires, Vyhasnuté oci [Les yeux éteints], qu’elle rédigea en 1947, lorsque le souvenir d’Auschwitz était encore des plus vivaces. L’ouvrage ne parut pas avant 1964 en Tchécoslovaquie. Le Dr Hermann Langbein, membre de la résistance d’Auschwitz et plus tard chef de file en Autriche des recherches sur la Shoah, traduisit en allemand quelques extraits de Vyhasnuté oci (entre autres, le chapitre sur Alma) sous le titre Erloschene Augen ; le manuscrit de cette traduction, qui n’a pas été publiée, est conservé dans les archives du Centre de documentation autrichien sur la résistance (Vienne). On doit à Fred Ullman, le défunt mari de Lisl Anders, une des chanteuses des Wiener Walzermädeln, la traduction en anglais des mêmes pages. Manca Švalbová, le « Dr Mancy », est morte à Bratislavale 30 décembre 2002.

Journaliste et ami d’Alfred Rosé, le frère d’Alma, le Canadien Richard Newman (19212011) entame à la fin des années 70 la rédaction de la présente biographie, une enquête de plus de vingt ans qui le conduit à retrouver une centaine de témoins à travers le monde pour retracer en détail le parcours de la jeune musicienne viennoise.

Traduit de l’anglais (Canada) par Anne-Sylvie Homassel
Format : 150 × 225 mm
495 pages
Broché avec rabats
ISBN : 979-10-93176-15-4
Parution : le 16 novembre 2018

Nombre de Nazis aimaient la musique. Paradoxe qui interpelle encore aujourd’hui, mais qui a néanmoins sauvé la vie à une cinquantaine de prisonnières d’Auschwitz-Birkenau.

Lorsqu’Alma Rosé arrive dans le camp en juillet 1943, un orchestre féminin vient d’être constitué sur les ordres de la lieutenant-colonel SS. Celle-ci ne voulait pas être en reste face à son homologue masculin, qui bénéficiait déjà d’un orchestre dans le camp des hommes. Or Alma Rosé n’est pas n’importe quelle musicienne. Fille d’Arnold Rosé, premier violon de l’Orchestre de l’Opéra de Vienne, Alma est aussi la nièce de Gustav Mahler – son prénom lui vient d’ailleurs de l’épouse du compositeur, sa marraine. A trente-six ans elle a déjà derrière elle une carrière de violoniste, notamment à la tête des Walzermädeln, l’orchestre de chambre entièrement féminin qu’elle a créé à Vienne avant la guerre. Alma est donc très vite nommée à la tête de l’orchestre de femmes de Birkenau, à qui elle impose un haut niveau d’exigence. Mais c’est une question de vie ou de mort : « Si nous ne jouons pas bien, nous serons gazées ». En remplissant leurs journées de répétitions, elle leur évite les travaux forcés auxquels sont réduites toutes les autres prisonnières. Elle négocie également des rations supplémentaires pour les membres de l’orchestre. Alma sauve ainsi la vie d’une cinquantaine de détenues, de nationalités et confessions variées, qui ont presque toutes survécu au camp de concentration. Elle-même n’aura pas cette chance, puisqu’elle succombe à la maladie en avril 1944.

Paru en anglais au Canada en 2000, Alma Rosé, de Vienne à Auschwitz vient d’être publié en français aux éditions Notes de Nuit. Richard Newman a collecté pendant vingt-deux ans des témoignages du monde entier, notamment des survivantes de l’orchestre. Et la belle-sœur d’Alma lui a ouvert les archives inédites de la famille Rosé. Cette impressionnante biographie se lit comme un roman, qui commence dans la fascinante Vienne du début du XXème siècle. Toutes les personnalités musicales viennoises ont alors défilé chez les Rosé : Richard Strauss, Arnold Schönberg, Wilhelm Furtwängler, Bruno Walter etc. Et même Wilhelm Backhaus qui écrit à Alma en 1928, prophétique : « La dignité de l’homme est entre tes mains. Prends-en soin »

 

Sixtine De Gournay

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